Démons-femelles, par opposition aux incubes, les succubes (nom masculin) viennent tenter les hommes durant leur sommeil et s'efforcent par tous les moyens de s'unir à eux. La croyance à relations sexuelles entre un esprit et un mortel, homme ou femme, est très ancienne et présente chez de nombreux peuples. Les moines, les anachorètes et les bergers se disaient l'objet des poursuites amoureuses des succubes.
Succube angélique d'après Luis Royo
Tous les rêveurs et les hallucinés du jeûne et de l'abstinence, étaient assaillis par leurs caresses lascives et leurs ardeurs dévorantes.
Ces démons animaient souvent un corps arraché au sépulcre et l'amant fortuné ou plutôt égaré par la passion retrouvait entre ses bras, après une nuit d'ivresse, un cadavre décharné et puant. Les succubes revêtaient également l'aspect de la personne aimée, afin d'inciter le fiancé ou l'homme chaste à commettre le péché de luxure.
Les érudits de l’église ont longtemps débattu pour connaître la vraie nature des incubes et des succubes et du péché commis à leur contact. Certains pensaient qu’il s’agissait du même démon, asexué à la base, qui pouvait devenir incube ou succube selon le cas. Il pouvait ainsi recueillir la semence d'un homme pour la transmettre à une femme ce qui était une excuse fort simple pour expliquer une grossesse adultère.
En l'an 1650, écrit l'exorciste Brognoli, le démon se montra à un jeune homme de Bergame sous la forme d'une fille qu'il chérissait.
«A cette vue, il poussa un cri; mais le fantôme lui ordonna de se taire, en l'assurant qu'il était sa bien-aimée, qu'elle avait fui de la maison parce que sa mère l'avait maltraitée, et qu'elle venait le voir.
Il savait très bien que ce n'était point là celle qu'il aimait, mais un démon; malgré cela, après quelques paroles et quelques caresses, il consentit à ses désirs. Le fantôme lui dit alors qu'il n'était pas sa Thérèse, mais un démon; qu'il l'aimait et que c'était pour cela qu'il le poursuivait jour et nuit. »
(Gorres, Mystique, tome V.)
........................................................................................................................ Les incubes sont des anges déchus par la luxure, devenus démons et cherchant à jouir des femmes quand elles rêvent ou somnolent. Le contraire de l'incube (incubus) est le succube (succubus), démon femelle qui s'efforce, par tous les moyens d'enlever leur semence aux hommes. Le succube ayant acquis la semence n'hésite pas à se transformer en incube pour la porter aux femmes et, de la sorte, enfanter quelque monstre infernal.
Le cauchemar (1781) d'après Henry FUSELI
Issu de la mythologie hébraïque, l'incube, selon la Genèse (VI, 1-4) est en effet fort capable d'engendrer. Le passage en question prétend que les anges maudits « virent que les filles des hommes étaient belles et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qui leur plurent». St Augustin (De Civitate Dei, XV, 23) fait de l'incube un article de foi, en se référant à l'avis du plus grand nombre: «Les faits de démons incubes ou succubes sont si multipliés qu'on ne saurait les nier sans impudence: l'autorité de tant de personnages graves, les récits de faits indiscutables, tant chez les peuples civilisés que chez les peuples barbares, les aveux enfin de plusieurs milliers de personnes doivent être pris en considération ». La Summa et le De Trinitate de St Thomas d'Aquin, qui lui emboîtent le pas, affirment l'existence des incubes, tout comme l'ensemble des théologiens et des démonologues.
Cauchemar (1790) d'après H. FUSELI
L'incube est capable de revêtir les formes les plus variées pour parvenir à ses fins. Madeleine de la Croix, l'abbesse de Cordoue, eut pour amant un incube faunesque aux pieds de bouc; d'autres furent possédées charnellement par de beaux jeunes gens, de petits gnomes familiers, des cadavres momentanément animés par le Démon, voire des vapeurs d'air condensées.
Les histoires d'incubes sont innombrables, d'autant qu'ils préféraient s'en prendre aux nonnes et aux femmes mariées qui, chacun le sait, sont incapables de garder un secret. L'audace de ces démons ne connaissait pas de bornes: ils se déguisaient fréquemment en confesseurs et se glissaient jusque entre les draps du lit conjugal.
Il y avait, écrit le moine Ernauld, dans le pays de Nantes une malheureuse femme tourmentée par un démon. « Cet être lascif alluma en elle le feu de la passion, s'étendit sur elle et la traita comme une épouse après avoir passé l'une de ses mains sous son corps et l'autre sous sa tête. Adultère invisible, il venait la nuit, pendant que la femme était couchée près de son mari, qui ignorait tout, et il se livrait sur elle à la luxure. Pendant six ans, ce mal resta caché et la malheureuse ne découvrit sa honte à personne. Pourtant la septième année, le spectacle de ses crimes amoncelés et la pensée des jugements de Dieu l'effrayèrent.
Elle alla trouver les prêtres et avoua son opprobre. Puis elle fit des pèlerinages et implorales saints. Mais confessions, pèlerinages, prières n'obtinrent aucun résultat. Le démon revenait chaque jour et était de plus en plus libertin. Le crime finit par être connu et le mari entra en fureur... »
Incubi d'Alda Teodorani
St Bernard, de passage dans la ville, confia à la malheureuse son bâton de pèlerin, qui eut le don d'éloigner l'incube. « Quand le dimanche fut arrivé, le Saint monta en chaire et, avant de prêcher il prescrivit à tous les assistants de tenir dans leurs mains des chandelles allumées. Puis il rapporta les forfaits inouïs du Diable; il jeta l'anathème à l'esprit lascif qui s'était livré à d'affreuses saletés contraires à la nature; toute l'assistance adhéra à cet anathème; enfin il lui enjoignit par l'autorité du Christ de n'approcher ni de cette femme ni d'aucune autre. Dès que les chandelles sacramentelles furent éteintes, la puissance du Diable fut complètement anéantie. La femme se confessa, puis communia, l'ennemi ne reparut jamais, mais il s'éloigna pour toujours.» (S. Bernardi Vila, Il, 34).
Voilà comment, au Moyen Age, on soignait l'incubat, c'est- à-dire les états psycho-pathologiques dus à l'absence de règles, à la ménopause ou à la surexcitation génitale. Il est évident qu'en bien des cas, les naissances adultérines furent mises sur le compte des incubes. Le pseudo Sinistrari d'Ameno et St André rapportent bien des contes scabreux montrant que, dans les couvents, le dieu Pan régnait souvent en maître.
On discuta longtemps pour savoir si les incubes pouvaient réellement engendrer. On prétendit que les Huns, que Platon, Merlin l'Enchanteur, l'Antéchrist et Mélusine étaient nés de leur union avec les mortelles. On finit par admettre, avec Luther et Bodin, que la descendance ainsi obtenue ne pouvait guère durer. Il sortait de cette copula cum daemone, des enfants agités par l'esprit du mal, voraces, cruels, mourant jeunes «bien qu'ils mangent comme quatre et sont capables de tarir jusqu'à six nourrices... » Quand on admet l'existence et la puissance des démons, disait Bizouard, il n'y a plus rien d'absurde.